Albi : ville-modèle
L’autosuffisance
Par Anne-Claire Préfol , 21 novembre 2016
Produire, vendre et consommer local : c’est à un ambitieux défi que s’attaque la ville d’Albi, officiellement lancée sur le chemin de l’autosuffisance alimentaire. Histoire et mode d’emploi d’une révolution verte en marche.
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« Tout a commencé ici. » Devant les jardins de l’université Champollion d’Albi, Henri Bureau, revient sur la genèse d’une annonce très médiatisée : l’engagement officiel de la ville, le 31 janvier 2015, de parvenir à l’autosuffisance alimentaire d’ici 2020. Une première en France, pour une commune de près de 52 000 habitants. Trois ans plus tôt, ce jeune retraité évoluant dans la mouvance Colibri de Pierre Rabhi rencontrait au foyer
des étudiants les membres d’Albi en transition. Ensemble, ils
décidaient de lancer une version locale des Incroyables
Comestibles, ce mouvement né en Angleterre et prônant le
développement de potagers en libre-service.
Au cœur du quartier historique d’Albi, le jardin du superbe
cloître Saint-Salvi, géré par la municipalité, offre ses tomates,
pastèques ou piments aux yeux et aux mains des visiteurs.
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Système D et resto U
Le directeur de l’université leur céda quatre platebandes de 1 000 m2, à charge pour eux de les valoriser. Aujourd’hui, artichauts, choux chinois, menthe et haricots cohabitent fièrement dans le jardin Mandala, le restaurant universitaire pioche à loisir dans celui des aromates et les étudiants attrapent au passage les framboises de l’espace fruits rouges. Mais renouveler l’expérience au-dehors de l’université de s’annonçait pas facile : Albi est classée au patrimoine mondial de l’Unesco et tient farouchement aux quatre fleurs de son label. Alors remplacer les tulipes par des salades…
Ancienne zone maraîchère tombée en désuétude, Canavières retrouve sa fonction d’autrefois : 73 ha ont été déclarés zone d’aménagement différé (ZAD) et préemptés par la mairie pour y installer de nouveaux maraîchers. Photo F. Guibilato - Ville Albi.
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C’est là qu’entre en scène le deuxième personnage clé de l’histoire. Conseiller municipal, Jean-Michel Bouat voit les files des Restos du cœur s’allonger d’année en année, l’herbe des espaces publics pousser sans servir à quiconque et l’insécurité posée par un trop faible stock de nourriture dans la cité épiscopale. Quand Henri Bureau le contacte pour évoquer son projet de développer les jardins partagés, la proposition fait mouche. En avril 2014, à la nouvelle maire fraîchement élue Stéphanie Guiraud-Chaumeil, qui lui propose le poste d’adjoint au développement durable, Jean-Michel Bouat pose un prérequis : une délégation dédiée à l’agriculture urbaine. De quoi donner force et cohérence à cette idée « rétro-innovante » de consommer local. La maire suit, le défi est lancé.
Le challenge ? Faire en sorte que l’ensemble des Albigeois puisse se nourrir dans un rayon de 60 kilomètres.
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Nourriture à partager
Concrètement, il s’agit dès lors d’œuvrer pour que l’ensemble des Albigeois puisse s’approvisionner en ressources alimentaires dans un rayon de 60 kilomètres. Et l’ambitieux programme s’articule autour de plusieurs axes. La collaboration avec les associations locales tout d’abord, essentielle pour interpeller les habitants et éveiller leur conscience. Sur les douze jardins partagés de la commune (vingt-quatre sont prévus à terme), une partie est placée sous la responsabilité directe de référents associatifs, une autre dépend des services de la ville, la troisième relevant d’une gestion mixte. Aménagés dans différents quartiers, ces potagers offrent l’occasion de découvrir le véritable goût d’une fraise, de connaître le calendrier des saisons agricoles et de changer les représentations d’un système où tout est marchandisé.
Adjoint au maire en charge du développement durable, de l’agriculture urbaine, de l’eau et de la biodiversité, Jean-Michel Bouat a dû batailler pour prouver que le projet n’était pas celui de « dangereux hippies marginaux ». Photo F. Guibilato - Ville Albi
Les panneaux « Nourriture à partager » invitent chacun à se servir et un système d’étiquetage indique aux novices si le produit est consommable. Mais les habitudes sont tenaces. « Au début, on observait deux types de réaction, à l’extrémité l’un de l’autre, raconte Henri Bureau : certains pratiquaient la cueillette sauvage et arrachaient les pieds des produits cultivés ; les autres ne comprenaient pas qu’ils pouvaient se servir ou n’osaient pas le faire. »
Pas plus dangereux mais farouchement optimistes, l’équipe des Incroyables Comestibles d’Albi, ici devant la « spirale d’aromatiques » de l’université Champollion, continue de verdir la ville rouge.
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Le principe a depuis fait son chemin, mais la pédagogie ne suffit évidemment pas. « Les Incroyables Comestibles sont les agitateurs qui ont amené la collectivité à se poser des questions, continue le retraité, aujourd’hui membre de la coordination nationale du mouvement. Après, ce sont des pros qui s’en occuperont. Ce n’est pas nous qui permettrons l’autosuffisance alimentaire avec nos quelques pieds de tomates… ».
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Ceinture maraîchère
Comment y parvenir, alors ? Grâce, espère Jean-Michel Bouat, aux 73 hectares de terrain en friche que la mairie a préemptés dans la zone de Canavières pour les louer à de nouveaux maraîchers. La proposition est séduisante : un bail précaire gratuit de deux ans, le temps de tester l’exploitation, puis un bail agricole classique de 80 € l’hectare par an. Environ 10 hectares ont d’ores et déjà pu être achetés et cinq producteurs se sont vu confier une parcelle.
73 hectares sont réservés aux nouveaux maraîchers.
Si l’adjoint au maire est souvent passé pour un « hurluberlu » auprès de ses interlocuteurs, il n’entend pas jouer les utopistes et ne sélectionne que des candidats formés, motivés et acquis au projet global de la ville. Comme Jean Gabriel, installé depuis juillet dernier après avoir œuvré dans une entreprise de paysagiste. « L’endroit est intéressant, les terres sont bonnes pour le maraîchage, il y a des arbres : je vais pouvoir faire de l’agroforesterie sans travail de sol. Il n’y a pas plus naturel. » Regroupés au sein de l’association Jardin Oasis d’Albi, Jean et les autres maraîchers de Canavières s’engagent à produire bio, à privilégier la permaculture et à vendre leur production dans un rayon de 20 kilomètres.
A Canavières, les premiers terrains achetés par la mairie sont désormais piqués de nombreux fruits et légumes bios destinés aux Albigeois.
Pour l’heure, les récoltes sont encore modestes, mais les initiatives ne manquent pas : convention avec le lycée agricole pour transformer une parcelle de cultures céréalières en cultures maraîchères (pois chiches et lentilles), discussion avec deux supermarchés pour imposer le local dans la grande distribution, collaboration avec les cantines et les restaurateurs… Et développement de la « green route » reliant les différentes stations vertes, histoire d’inciter touristes et promeneurs à exporter le concept. Il fait d’ailleurs déjà des émules. Ainsi Rennes, qui planchait sur un concept similaire, a elle aussi affirmé, en juin dernier, son engagement vers l’autosuffisance alimentaire. Mais le défi est de taille.
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Alors l’objectif 2020 d’Albi, utopique ?
« J’ai donné cette échéance parce que c’est la fin de mon mandat, explique Jean-Michel Bouat. Mais c’est symbolique. On espère que la dynamique continuera… » L’adjoint est confiant : après des débuts difficiles et un accueil perplexe, les chambres d’agriculture ont finalement exprimé leur intérêt et les crises agricoles successives plaident en faveur du projet. « On commence à écouter ce qu’on dit, le monde agricole conventionnel a compris que l’avenir passait aussi par ce type de moyens. » Et la liste de maraîchers en attente de parcelle augure d’un joli développement. La ville rouge promet une bien inspirante révolution verte.
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Top 5 des villes les plus locavores : A Lille (2ème position), la cueillette à la ferme, ça nous botte !
Par Aurélien Culat , 9 décembre 2015
Après Lyon (5e), Paris (4e) et Périgueux (3e), voici Lille, sur la deuxième marche du palmarès des villes locavores. A quelques encablures de la capitale du Nord, les pommes en libre-service n’attendent qu’un coup de mitaine pour descendre de leur branche.
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Lillois, vous n’avez pas de jardin ? Pas de problème, un fermier en a sûrement un pour vous, à deux pas de la ville ! Et il n’y a pas légume plus frais que celui qu’on cueille soi-même : « c’est inégalé sur Lille, cette fraicheur », confirme Julie, habitante du quartier Saint-Maurice-Pellevoisin et habituée de la ferme du Paradis, à Seclin. Depuis quatre ans, avec son mari et ses trois enfants, elle parcourt presque tous les week-ends les quinze kilomètres qui la séparent de la ferme où elle peut, à sa guise, cueillir ses fruits et légumes de la semaine, qu’elle règle en repartant. Panier, sécateurs, fourche, brouette, tout est fourni, sauf les bottes.
Ultra-frais et de saison. « Ca a changé nos habitudes alimentaires, assure Julie.
J’ai l’impression de gaspiller moins. On fait davantage attention à ce qu’on achète,
et on n’épluche pas les pommes de terre ni les carottes : un coup de brosse suffit,
on sait d’où elles viennent, elles n’ont pas traîné dans 30 réfrigérateurs avant
d’arriver chez nous. » Autre changement, qui s’impose quand on côtoie la réalité
du champ : il faut manger des produits de saison, car il n’y a qu’eux ! Julie jure
d’ailleurs qu’elle ne reviendra plus aux tomates de supermarché.
« Celles de la cueillette sont exceptionnelles, on les conditionne pour l’hiver en
faisant de la sauce bolognaise. D’ailleurs, je me suis mise à faire des bocaux d’un
peu tout. On a testé les cornichons cette année : c’est une réussite, on en cueillera
davantage l’année prochaine. »
Il est d’autant plus important de faire des réserves que la cueillette suit le rythme naturel du jardin et entre en dormance pendant l’hiver. « La cueillette est fermée depuis mi-novembre, confirme Xavier Collette, de la ferme du Paradis. Seul le magasin à la ferme reste ouvert, on y vend les légumes que l’on cueille nous-mêmes. »
La saison 2016 commencera en mai, pour cinq mois durant lesquels il faudra diversifier au maximum la production. Pommes, tomates, fruits rouges, courges, panais, betteraves et autres comestibles y côtoient même des fleurs : tulipes, glaïeuls, lys… « Les légumes à ratatouille marchent très bien, mais la vrai star de la cueillette, c’est la fraise, assure Géraldine Capelle, de la ferme du Vinage, située à Roncq. Cette année on a réussi à en avoir jusqu’en septembre, en la plantant en juillet, grâce à un bel été. » www.fermeduvinage.fr
Une journée à la ferme. Évidemment, le cueilleur ne passe pas à la ferme sans un détour par l’étable, car au Vinage, on fait aussi du fromage. « On est une ferme ouverte, les gens viennent voir les animaux, assister à la traite, ils prennent la journée, explique Géraldine, pour qui la dimension pédagogique est essentielle. La cueillette attire beaucoup une clientèle avec enfants. Nous avons des panneaux explicatifs sur les noms de fruits et des légumes et les jours d’affluence, il y a toujours quelqu’un dans le champ pour répondre aux questions. »
Entre deux semaines dans la jungle urbaine, Julie voit dans ces travaux des champs une sorte de retour aux sources. « C’est aussi un peu le sport du week-end ! s’amuse-t-elle. Porter un panier de vingt kilos de pommes de terre, c’est pas facile ! »
Il faut croire que les Nordistes aiment le sport, car les cueillettes se multiplient autour de Lille. Aux fermes du Vinage et de la Pommeraie à Aubers, s’ajoutent les fermes du réseau national Chapeau de Paille : la cueillette du Tronquoy, à Montigny-en-Cambrésis, celle de Férin, celle de Beaurains, et la Ferme du Paradis. « On a la chance d’avoir un bassin de consommation assez dense, explique Xavier. Il y a un peu de concurrence mais on se complète bien. »
Seule fragilité de ce modèle, où l’intégralité de la production est vendue sur la ferme. « L’activité de cueillette dépend énormément du temps. Heureusement qu’il a fait beau au mois d’octobre. Mais s’il pleut, les clients risquent de ne pas venir. » Quoiqu’il en faut plus pour décourager Julie : « Nous on est des cueilleurs acharnés, on y va même sous la pluie ! »
Leforest : un « bio » moment en famille à la ferme Lingrand
Par La Voix du Nord | Publié le 28/04/2015
Petits et grands sont venus nombreux rendre visite aux veaux, vaches, cochons et poules de la ferme Lingrand qui cette année encore participait à l’opération nationale « Printemps à la ferme ».
Parmi les vingt agriculteurs du Nord – Pas-de-Calais participant à ce week-end
portes ouvertes, la famille Lingrand invitait les habitants du secteur dans leur
ferme pour partager en toute simplicité leur passion d’une agriculture à visage
humain. Ils étaient accueillis par Hervé Lingrand qui a repris la ferme de ses
parents en 1990 et s’est associé à son frère neuf ans plus tard. Une famille dans
l’agriculture depuis 9 générations.
DE LA TERRE à l’assiette
Les fesses confortablement installées sur des ballots de paille, les visiteurs ont eu le droit à un diaporama sur le fonctionnement de la ferme qui, depuis cinq ans, est passé au bio. Cinquante hectares convertis en bio servent en effet à faire pousser l’alimentation de ses bovins. L’exploitation leforestoise fait partie de la coopérative agricole CUMA qui permet aux agriculteurs de mutualiser leurs ressources afin d’acquérir du matériel agricole. Comme l’explique M. Lingrand : « Dans notre ferme, vous pouvez découvrir nos 45 vaches, 40 génisses et 2 taureaux. Nous produisons tous les ans 5 400 litres de lait par vache et nos deux poulaillers nous permettent de ramasser 30 000 œufs… », rien que ça !
Et dans l’agriculture, tout le monde sait bien, il ne faut pas compter son temps et « 1/3 est consacré à l’exploitation agricole, 1/3 au maraîchage et 1/3 à l’élevage du bétail ». Le maraîchage de 1,3 ha permet de produire légumes et fruits rouges de saison, 1,3 ha est utilisé pour la culture de l’asperge tandis que 0,3 ha permet de cueillir des fraises d’avril à octobre (une partie de la culture se faisant hors sol). Bref, de quoi occuper les frères Lingrand, leurs deux employées et leur apprenti. Mais la ferme est aussi une histoire de famille puisque grand-mère et tante viennent prêter mains fortes pour la réalisation et la vente des confitures artisanales.
COMMES LES VRAIS...
Les visiteurs ont pu découvrir l’ensemble des animaux de la ferme et ses activités tout en visitant le corps de ferme. Certains ont même pu assister à la traite des vaches voire prendre place dans la cabine du tracteur sous le regard du grand-père Lingrand. « Tu sais, mon petit, les tracteurs sont vraiment modernes aujourd’hui ! À mon époque, il n’y avait pas tant de boutons. Je ne saurais peut-être même plus le mettre en route », confiait hilare le doyen. Un moment familial riche en pédagogie pour des enfants qui ont souvent tendance à penser parfois que les légumes et le lait sont fabriqués en hypermarché.
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Vente directe ferme Lingrand :
473, rue Casimir Beugnet à Leforest
Vente de produits locaux : pommes de terre, asperges, endives, fraises, légumes de
saison, confitures, produits laitiers, oeufs, soupes, miel…
Ouverture : De 8h30 à 12h et de 15h à 18 h du lundi au samedi (fermeture à 16 h le
samedi).